Quelle place en Europe pour la nouvelle Pologne ?
Après avoir échoué à la deuxième place lors du scrutin européen de 2014 (31,78 % contre 32,1% pour le parti Plate-Forme Civique alors mené par Donald Tusk), le parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski a obtenu la majorité absolue aux élections législatives polonaises en Octobre 2015 (238 sièges sur 460). Souvent comparé à l’archétype du bon élève européen, la Pologne n’est pourtant pas, comme le montre la victoire du PiS, pleinement intégrée dans les récents projets européens. Avec un nouvel échiquier politique, quelles conséquences pour la Pologne au sein de l’Europe ? Quelles conséquences pour l’Union Européenne ?
Tout d’abord, il convient d’affirmer que la Pologne s’est façonnée autour d’une histoire heurtée qui a fait de la méfiance nationale une normalité au cours de l’histoire. Face à des voisins ambitieux –que ce soient les Ottomans, Suédois, Prussiens, Autrichiens et Russes-, la Pologne a souvent subi une emprise exogène sur son territoire et sur sa société. L’intégration à l’OTAN en 1999 et à l’Union Européenne en 2004 s’est inscrite dans une « thérapie de choc » décrite par Egor Gaïdar, un passage brutal d’une économie communiste à une économie capitaliste que décide d’entreprendre la majeure partie des PECO après la chute de l’URSS. Le fossé entre le niveau de développement de l’Europe de l’ouest et centrale s’est résorbé. Tous les pays du CE5 (Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie) ont acquis un niveau de vie représentant 80% de la moyenne communautaire. Toutefois, pour certains pays, l’effort de rattrapage a été́ beaucoup plus rapide, le plus lent ayant lieu en Pologne, ce qui a permis à la Pologne de ne pas subir de manière trop violente les effets de la thérapie. En 20 ans, le niveau de richesse y est passé de 58 % (1991) à 92 %. La Pologne a eu l’opportunité de bénéficier des nombreux programmes d’intégration européens mais la vision polonaise reste limitée à une vision économique, une vision proche de celle portée par les britanniques. Dès lors, ne peut-on pas légitimement penser que l’histoire polonaise ponctuée de trahisons n’explique pas partiellement le manque de confiance du peuple polonais envers les traités et les institutions européennes ? La Pologne n’a pas ratifié la charte des droits fondamentaux et affiche 76,17% d’abstention pour les élections européennes de 2014.
Bien que l’Europe soit perçue comme une chance de combler son retard, de rompre avec le passé communiste, de se moderniser, l’Europe reste, selon les conservateurs récemment arrivés au pouvoir, un outil pour la Pologne, plus qu’un projet partagé avec la totalité des membres de l’Union Européenne. Placée au cœur de l’Europe par Donald Tusk, aujourd’hui président du conseil européen et anciennement premier ministre polonais, puis par Ewa Kopacz, la Pologne souffre toujours d’une relation compliquée avec l’Allemagne et la Russie qui l’empêche encore aujourd’hui de détenir un poids politique au sein des institutions européennes. Un exemple illustre ces ambiguïtés : Radoslaw Sikorski, ministre des Affaires Etrangères jusqu’en 2014, affirmait que le projet Northstream constituait une résurgence germano-russe puisqu’il constituait « un nouveau pacte Molotov-Ribbentrop ». Néanmoins, les relations germano-polonaises se sont considérablement améliorées avec le rapprochement entre Merkel et Tusk : la Pologne craint aujourd’hui moins la puissance allemande que son inactivité. Comment concevoir l’avenir de ces relations lorsque le PiS fustige à de nombreuses reprises l’influence exacerbée de l’Allemagne sur le territoire polonais et européen ?
Avec l’arrivée du PiS au pouvoir, d’autres questions à échelle européenne se posent. Pourtant, jamais le PiS n’a réellement mis en cause l’appartenance à l’Union Européenne tant la Pologne est redevable de l’Union Européenne. Quid des réfugiés ? Grzegorz Schetyna, qui a remplacé Sikorski aux Affaires Etrangères affirmait avant les élections que « la Pologne est en mesure d’accepter de son propre gré plus de réfugiés que ne le prévoient les quotas proposés par la Commission européenne ». Avec l’arrivée au pouvoir du PiS, le risque pour l’Union Européenne est de se confronter à un duo Orban- Kaczynski qui refuse à tout prix l’accueil de réfugiés au sein de leurs structures nationales respectives. Quid de la politique énergétique ? Entité à part entière présente lors de la COP21, l’Union Européenne voit d’un mauvais œil la volonté du PiS de renégocier le contrat signé entre Varsovie et Bruxelles pour réduire la consommation polonaise en charbon. Finalement, l’ouvrage de Piotr Smolar, La Pologne, un nouveau grand d’Europe, ne peut-il pas se comprendre de la manière suivante : la Pologne est un pays qui s’impose de manière progressive sur le continent européen mais est loin de s’apparenter à un leader de l’Union Européenne.